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Croix des mariniers
du Rhône
Réalisée
en bois, symbolise les métiers associés à la navigation fluviale au XIX ème
Chevaux de halage - E. Frémiet
2ème moitié du 19ème siècle
Bronze - 24 cm
Musée de la batellerie -
Conflans-Ste-Honorine
Remorqueur roues à aubes, vapeur sur le Rhône 19è
Le Bassin de la Garonne, de l'Adour, de la Charente et de la Loire constituent
la France atlantique, la France riche et agricole de l'ancien régime.
Cette région est tournée vers l'Europe du Nord depuis le début du Moyen-âge.
Elle expédie par ses rivières et par ses ports maritimes les produits
de son sol, blés, vins, huile de noix, fruits secs, etc. et en reçoit
notamment, les poissons de mer séchés, salés ou fumés, harengs et morue
pêchés et préparés par les riverains de la mer du Nord.
Dès
la Renaissance des trafics beaucoup plus lointains viennent s'ajouter
aux trafics nordiques; ils sont liés aux fluctuations de la politique
extérieure et, en particulier, à nos grandes entreprises coloniales américaines et africaines.
Gabarres de Gironde
Au XVIIIème siècle, Claude Joseph Vernet, auteur de la merveilleuse série de tableaux des ports de France, nous montre avec une précision photographique les divers types de bateaux locaux aux noms pittoresques et à l'architecture étrange.
Ces bateaux ont fait l'objet d'une reconstitution attentive en
une série de maquettes au 1/10 présentés au Musée de la Batellerie
de Conflans-Sainte-Honorine. La
majeure partie du cours de la Garonne se déroule dans une large
plaine de vallée, où le lit de la rivière se déplaçait fréquemment avant
que l'homme le fixe peu à peu par de très gros travaux d'endiguement.
La pente est irrégulière et forte, formée de biefs calmes et relativement
profonds séparés par des rapides; les étiages sont accentués et prolongés.
Ces conditions ne favorisent évidemment pas la navigation. Elles expliquent pourquoi les bateaux de Garonne étaient de faible tonnage, longs, étroits et de faible tirant d'eau. Cependant, la Garonne a connu autrefois une très intense navigation, comme ses grands affluents le Tarn et le Lot.
Pendant
ce temps, une équipe de bûcherons préparait les "carassones",
les piquets de vigne et le "merrain", bois fendu destiné à faire
les douves de tonneaux.
Dès
le redoux de printemps, les bateaux étaient chargés soigneusement et quand
les eaux provenant de la fonte des neiges grossissaient suffisamment la
rivière les courpets descendaient jusque dans la région des vignobles.
Arrivée à destination, la cargaison était vendue et le bateau "déchiré".
Cet alcool prestigieux a constitué
jusqu'au début de notre siècle,
le fret principal de sa batellerie.
Les bateaux qui la fréquentaient à
la fin du XIXème siècle et au début du XXème étaient de plusieurs sortes.
Certains étaient de très grandes gabares à deux voiles "au tiers"
dont les formes trahissaient l'origine maritime au-delà d'une profonde
adaptation à la navigation fluviale.
D'autres ont une origine purement
fluviale.
Une grande densité humaine, un mouvement économique très intense engendré par la batellerie, voilà les raisons qui ont fait du Val de Loire le séjour préféré de nos rois pendant longtemps, voilà l'origine de l'extraordinaire parure de châteaux qu'ils y ont édifiés.
La Renaissance française a trouvé là les conditions de son éclosion et de son épanouissement, seule civilisation d'Europe née d'un fleuve.
La batellerie de la Haute-Loire présente deux caractéristiques spécifiques: c'est une batellerie industrielle depuis sa création, et elle se pratique uniquement à la descente, avec des bateaux démolis à l'issue d'un unique voyage.
En
amont de Briare, l'orientation Sud-Nord de la Loire (et de l'Allier),
ne facilite pas la remontée à la voile, sinon avec des vents du Nord.
D'autre part, à partir de Roanne, terminus de la navigation montante,
le lit de la Loire interdit toute remontée même par le halage.
En effet,
la pente y est forte et le cours d'eau rapide, peu profond et vite épuisé
après chaque crue. Cependant la descente est possible dans certaines conditions.
C'est
à partir de 1704, date où la Haute-Loire en amont de Roanne est débarrassée
des rochers qui encombrent son lit, que naît la batellerie a "bateaux
perdus", comme nos modernes emballages.
Cette navigation atteint
son apogée au cours de la première moitié du XlXème siècle, lorsque les
forêts épuisées par une exploitation intensive ne peuvent plus fournir
les bois nécessaires à la vie urbaine et, en particulier, a celle de Paris.
Plus tard ce sont les bateliers de la Haute-Loire et du Haut-Allier, "les
charabiats" patoisants qui vont l'acheminer sur leurs "sapines"
vers le Val de Loire et vers Paris, par le canal de Briare.
Paquebot fluvial sur la Loire
Courpets et sapines
Arrivés à Roanne, les "charabiats" remontaient à pied jusqu'à Saint-Rambert pour recommencer la même opération.
Les sapines conduites par d'autres hommes et selon d'autres techniques poursuivaient leur voyage avec une charge plus forte, 30 ou 40 tonnes, qui libérait un bateau sur trois. La même opération de transbordement était parfois renouvelée a Briare et portait la charge transportée à 60, 80 ou 1OO tonnes, selon l'état des eaux.
Arrivées à destination, les sapines étaient "déchirées" selon l'expression consacrée, et leurs bois vendus à bas prix et réemployés dans les constructions terrestres, ou tout simplement brûlés.
Les rivières du Nord et du Nord-Est de la France ont ceci de particulier qu'une partie seulement de leur cours est située sur le territoire national.
La Deule, la Lys, la Scarpe sont des affluents de l'Escaut dont le port d'embouchure est Anvers.
La Sambre, la Meuse et la Moselle sont des affluents du Rhin qui a une embouchure presque commune avec l'Escaut.
Ce sont des rivières de plaine, qui ont connu de tous temps une très intense navigation. Nous sommes là dans une des régions les plus riches du monde au point de vue de l'architecture navale, tant fluviale que côtière.
L'Escaut et ses affluents ont donné naissance à la péniche, que nous retrouverons
plus loin.
La Meuse et la Sambre ont donné naissance à une architecture
spécifique, celle de la "mignole", qui a connu des formes fluviales
et des formes de canal.
La présence simultanée d'un réseau de navigation dense et d'un vaste bassin charbonnier ainsi que de mines de fer, a favorisé l'industrialisation du Nord et du Nord-Est de la France.
L'Alsace
borde le Rhin sur une part importante de son cours et Strasbourg
est notre grand port sur ce fleuve international.
Sous l'ancien régime, toute l'économie du bassin parisien, au-delà même du bassin de la Seine proprement dit, est vouée au ravitaillement de la capitale. C'est la batellerie qui assure le transport de ce vaste flux de produits.
Avant
le XIXème siècle, qui voit la création du Canal de Paris en 1867, les
ports sont encore au cur de la capitale qui s'est développée
autour d'eux.
Les ports d'amont sont les plus importants car les trafics
du Sud sont alors les plus développés. Les bois du Mr Van, les blés de
la Brie, les vins de Bourgogne, les produits vitaux d' alors, parviennent
à bon compte aux ports de Grève, aux ports au blé ou aux vins, véhiculés
gratuitement par le courant descendant.
Le port d'aval est le port de l'École, en amont du Louvre, c'est là que parviennent, à la suite d'un épuisant passage à contre-courant, les produits manufacturés normands et étrangers qui peuvent supporter les frais importants du halage humain ou animal, qui seul permet de "remonter" la rivière.
La rivière est, à cette époque, le lieu d'une activité intense.
Outre le
trafic commercial, on y pêche le poisson qui est conservé et commercialisé
dans les viviers; on y lave le linge dans de grands bateaux lavoirs; on
y fait boire et on y baigne les chevaux.
Bien des petits métiers vivent
alors directement de la rivière: passeurs et bachoteurs, porteurs d'eau,
laveurs et cardeurs de matelas, déchireurs de bateaux, "plumets"
porteurs de charbon, "crocheteurs" porteurs de bois de "maule"
(bois à brûler).
Ces hommes et ces femmes par centaines sont les gens
de la rivière, le peuple de l'eau.